Le blanc

11 septembre 2001 : actes terroristes, meurtres de masse en direct. Je suis atterrée, je sens le monde en danger. Les chaises toutes de blanc vêtues illustrent le monde projeté dans le néant: éclatement du corps humain, enfance torturée, illusions perdues sur l’homme, sur une humanité acceptable. Pendant plusieurs mois, je survis sans pouvoir prendre un pinceau. Ce drame m’a transporté dans un univers de terreur et ainsi a ravivé toute les images sordides depuis ma naissance et de l’histoire de ma famille.

Chaise parée de dentelles et de naïveté,

Chaise de théâtre en rut,

Chaise revêtue de bestialité,

Chaise drapée de blanc et de péchés aux mousquetons,

Chaise neigeuse de l’apparition,

Chaise fantomatique pour hôte,

Chaise nimbée de goupillons de volupté,

Chaise de bébé,

Chaise accueillant dans ses poches le kangourou folâtre et le baigneur proche de sa chute,

Chaise pour poupée à chevelure de vamp,

Chaise de strass hollywoodiens pour se suicider,

Chaise d’où surgit une tête énigmatique,

Chaise emblème de l’art avec son gigantesque pinceau,

Chaise pour d’acrobatiques chats.

Chaise auréolée de féminité,

Chaise où le paon ganté de lascivité fait la roue,

Chaise enrobée de douceur et de rugosité,

Chaise à l’étoffe prisonnière d’un carcan de plâtre,

Chaise métamorphosée en sculpture au creux de l’émeraude et de l’orgasme,

Chaise détournée pour oublier sa modeste origine.

De chaise en chaise s’instaure un dialogue de toiles,

Se tisse un récit pour laie forestière,

S’ébauche le drame du lupanar de Kant,

S’évoquent des impressions d’une cuisinière acéphale arborant une casserole,

Tandis qu’un chien shakespearien s’adresse au crâne canin de Yorrick.

Chaises de Laurence Imbert,

chaises déclinant la palette des blancs,

chaises offertes à l’imagination et la lascivité.

Avec ses chaises, elle apprivoise les chimères,

Fait surgir au cœur du quotidien,

un univers mystérieux et familier,

A la mesure de ses aspirations secrètes,

pour exciter les tigres.

Les chaises de Laurence Imbert n’invitent pas les assis’,

elles incitent à y loger nos rêves,

L’artiste butine le pollen des dieux,

Telle la panthère du carrousel des lanternes et du carrefour de la luxure,

Elle égoutte ses effervescences.

Fernando Arrabal, Paris, II-VIII-2004